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15 septembre 2016 4 15 /09 /septembre /2016 03:30

Museum of Modern Art de New York, 2010
Durant trois mois, sept heures par jour et six jours sur sept, l'artiste Marina Abramovic a invité les visiteurs à s'asseoir, un à un, face à elle, de l'autre côté d'une table, sans leur parler, échangeant juste avec eux des regards d'une telle intensité qu'ils déclenchent leurs larmes.

 Dans cet extrait, arrive à son insu Ulay, un artiste allemand avec lequel elle partageait sa vie dans les années 70 et qu'elle n'avait pas revu depuis 23 ans.... Voici le texte qu'a imaginé mon ami "virtuel" Penhedor Mance à partir de cette vidéo. Je vous laisse savourer, c'est tout simplement sublime :


"Je déplie mon regard et la surprise de te voir assise face à moi me fait cligner. Prétexte à te cacher la violente douleur du bonheur de te retoucher de mes yeux… Tant d’années insolubles ont passé dans ma vie au loin, en marge et en fringales répétées de toi. Fulgurant coup de gomme sur ces années d’ennui, de manque et d’insignifiance, inutiles. Tu es là, attachée soudain à mon regard foudroyé, telle que tu t’étais détachée de mon regard dégouttant de tristesse, jadis, sur ce tarmac brumeux, déjà tricard de ta vie…
… Tu es là, élégance bouleversée, mirage auquel je m’abandonne comme un gosse sans voix devant un rêve réalisé. Tu es là, et je vois dans tes yeux cette éternelle tendresse qui me collait à tes basques. Je revois les sourires de ton âme, les clins d’œil de tes lèvres. Je ressens notre premier baiser, nos souffles coupés, puis affolés, puis attendris, ton regard fermé de peur peut-être qu’il ne me parle trop. Je refais cette balade qui nous avait amenés vers le centre de nous, à pas musardant, doigts tricotant nos mains ; je refais toutes celles qui nous firent sillonner notre brève passion. Je revois la première de nos trois nuits, celle de la découvrance de l’autre ; le souvenir éclair de tes caresses frissonne d’ébranlement ma verge des bois, me frisotte le cœur d’émoi. Dans tes yeux penchés vers les miens, je re-respire la quiétude de nous, lors l’assouvissement de l’autre abreuvé, sur les draps de nos vingt ans.
Je revois nos sentiers, je réentends nos chansons. Je revois les heures et les jours pleins du temps que l’on se donnait, que l’on se volait, que l’on perdait. Je revois les face à face dos au mur de la vie. 
Là, face à moi, tu me redonnes de toi les tendres et les méandres, les fragiles et les indociles, les intelligences et les exigences. Tu me renvoies à mes trop raisonnables et mes déséquilibres. Dans ce regard de nous, toutes les questions en suspens refont surface, sans réponse, sans offense, sans défense. Tous les mots tus se taisent encore, bien que lançant de toi à moi des petites lueurs d’incitation… comme une envie de rattraper le temps perdu et de parler enfin. D’autres non-dits de jadis, pour nous être compris en silence, réapparaissent et avec eux les mêmes certitudes. La même entente… La même mésentente…

Je te regarde avant que tu ne te lèves, et je ne saurais jamais ce que voulaient me dire, ce soir, tes yeux, brouillés par l’attendrissement…"

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commentaires

A
La grâce des regards qui se touchent, se déplient et sondent les profondeurs oubliées de jadis. Elle clame nos ivresses de toujours, la poursuite de nos quêtes inassouvies à fleur de peau qui s'inondent du sel de nos larmes, fleuve intrépide où s'écroule les barricades du temps. A.L. à TOI
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